II/ Grandeurs et décadences:
  1. 1) Ascension et apogée :


    Durant la première moitié du XXème siècle, la puissance de l’entreprise Banania va croître progressivement grâce à différentes stratégies à la consommation.

Dès la première guerre mondiale, Banania est présente, notamment en organisant une opération qui consiste à envoyer des wagons entiers remplis de boites de Banania sur le front afin de remonter le moral des poilus. Cette promotion s’avéra géniale car les troupes françaises n’oublieront pas ce breuvage à leur retour.


    Mais les plus grandes années de gloire pour Banania sont les années 20, c’est à dire durant les années d’après guerre. Pour compenser la perte de centaines de milliers d’hommes, il faut cajoler les générations nouvelles avec un petit déjeuner plein d’énergie. Banania devient ainsi l'emblème des années folles.

Cependant Pierre Lardet afin de développer son entreprise, s’associe avec Albert Viallat ,un riche hôtelier qui possède entre autres les aspirateurs Electrolux, les moteurs Staub, les fours La Cornue et les savons Cadum. Ainsi le 1er Décembre 1921 une société anonyme est constituée, dotée d’un capital de deux millions de francs, divisés en quatre mille actions de cinq cent francs. Pierre Lardet est le président du conseil d’administration car il possède le plus d’actions.

   

    Cependant Viallat va prendre de plus en plus d’importance dans la société jusqu’à en devenir l’homme le plus influent. C’est grâce à lui que Banania va développer son réseau de distribution (Cahen un ami de Viallat est le directeur de «Planteur de caïfa» la plus puissante organisation de distribution et de vente de l’époque.) En 1927 Viallat organise une assemblée  générale décide de créer 10 000 nouvelles actions et c’est lui qui en est le principal souscripteur. La même année, Viallat appelle à ses côtés son neveu Albert Lespinasses, qui grâce à sa jeunesse et son ambition va permettre à Banania un énorme essor. En 10 ans, le capital de la société passe de deux à cinq millions de francs et  Banania a acquis une grand popularité auprès des français!


    On peut donc dire que l’entreprise s’est bien adaptée à la période d’entre guerre tout comme Nestlé, Viandox ou encore Mont Blanc. Même pour l’ouvrier, qui consacre soixante pour cent de son salaire à son alimentation, Banania n’est pas un luxe. Banania touche toutes les classes sociales et tout âge. Mais durant cette période, Banania connaît une rude concurrence avec entre autre le cacao sucré Saveret, le chocolat Menier, le cacao Kwalta, Nescao de Nestlé ...


    Néanmoins, lorsqu’en 1931 la Françe subit la crise économique avec la fermeture de cent dix-huit banques et que de nombreuses entreprises font faillites, Banania se porte à merveille. On exporte même Banania dans toute l’Europe, en Espagne, en Italie, en Belgique, en Pologne, et même en Tchécoslovaquie. Certes, pendant la guerre, Banania connaît des passes difficiles, l’usine ferme quelques jours suite à un bombardement mais elle ouvre à nouveau peu de temps après afin de continuer à approvisionner les français. Toutefois, la composition du breuvage est modifiée faute de matières premières.









                                                                                       




    En 1939 Banania bénéficie de tickets de rationnement, donnant droit à 250 grammes de poudre chocolatée, ainsi sa notoriété se trouve fortement accrue. La production augmente de plus d’un tiers pendant la guerre et la société sort finalement gagnante de la seconde guerre mondiale.


    Mais au sortir de la Guerre, les français oublient leur colonie, il y a 1 million de sans abris et une balance commerciale déficitaire. Banania est alors peu présente pendant cette période. Ce n’est qu’en 1949 que la situation se rétablie, Banania fait alors son retour et affirme avoir retrouvé la qualité d’avant guerre, les publicités annoncent que «BANANIA redevient BA-NA-NIA». En France à cette époque la moyenne d’enfants par couple est de 2.45, c’est le baby-boom. Notre entreprise adapte donc ses stratégies à cette situation en se voulant plus jeune et surtout plus amusante. C’est l’apparition des beaux découpages Banania donnés avec les boîtes métalliques d’un kilogramme ou échangeable contre des points collectionnés derrière les petites boîtes. En 1954, la production de Banania a triplé par rapport à la production d’avant guerre.

 


2) La question du racisme et les difficultés rencontrées :

    Avec la décolonisation, Banania voit son image se dégrader et rencontre de nombreuses difficultés.


Tout d’abord, depuis 1970, l’entreprise fait l’objet de nombreuses accusations de racisme en raison de la caricature de l’africain qu’elle utilise. Le personnage est ainsi représenté avec de grosses dents blanches, des lèvres énormes et rouges. Il regarde la poudre chocolatée, d’un air hébété, comme si il n’avait pas mangé depuis des semaines. De plus, avec le slogan « Y’a bon Banania », il apparaît incapable de s’exprimer correctement en français.


  

Affiches célèbres de Banania donnant une image peu flatteuse de l’Africain


    Cette image négative, véhiculée par la marque Banania, est d’autant plus grave que ce produit s’adresse essentiellement à de jeunes consommateurs, au moment où leur mode de pensée se «façonne ». Ceci peut donc entraîner chez ces futurs adultes une stéréotypie de l’Africain. En réponse à ces attaques, l’entreprise arrête progressivement d’utiliser le slogan « Y’a bon » à partir des années 70. Elle remplace également l’Africain par un enfant blond. Paradoxalement, ce changement provoque un effondrement de la consommation du produit Banania. En 2004, essayant de redresser sa situation économique, les dirigeants rétablissent l’image d’un africain plus moderne et plus jeune.



Depuis 2004, l’apparence de l’Africain est modernisée


     Les accusations de racisme réapparaissent immédiatement. Une pétition est lancée et obtient près de 2750 signatures. Une plainte est déposée au tribunal de grande instance de Nanterre par le collectif des Antillais, des Guyanais et des Réunionnais qui considèrent que la marque traite les personnes de couleur noire de manière non respectueuse. Face à ces attaques, l’entreprise abandonne officiellement le slogan « Y’a bon Banania » même si, comme nous l’avons écrit, il n’était plus utilisé depuis longtemps.


     D’autres problèmes surviennent. Entre autres, Banania a récemment perdu l’exclusivité de l’utilisation de l’image du tirailleur sénégalais. La société Milan Music utilise cette image, à l’identique, sur un CD appelé « Au beau temps des colonies ». Banania a attaqué sans succès cette société devant le tribunal de commerce en juillet 2007. 


 

La société Milan Music a copié l’image célèbre du tirailleur Sénégalais.

    

    Enfin, Banania est une entreprise à petit budget : « Nous gérons une puissante marque avec les moyens d’une PME » explique Frédéric de Vanssey, directeur de marketing de Nutrimaine (voir chapitre suivant). Cela résume bien la situation actuelle de l’entreprise. En effet, Banania, qui garde une forte notoriété en France (plus de 95 % des adultes connaissent Banania),  a un chiffre d’affaire inférieur à 30 millions d’Euros. Ceci est vraisemblablement attribuable à deux facteurs essentiels. Les consommateurs n’ont plus l’habitude d’acheter du Banania, beaucoup ne savent même pas que ce produit est encore en vente (résultat d’une étude de notre groupe sur le sujet). Avec son faible budget, Banania se démarque très difficilement des grosses multinationales Nesquik et Poulain, qui ont le monopole du marché. L’entreprise ne possède plus que 8 % du marché de poudre chocolaté français contre 36% pour Nesquik et 22.7% pour Poulain.


 

3) Banania revient sur le marché :

     Actuellement, l’usine de Banania se trouve à Faverolles dans la Somme, elle comporte 61 salariés avec, comme nous l’avons vu, un chiffre d’affaires d’environ 30 millions d’euros. En 2003, Banania est racheté par Nutrimaine propriété du groupe Nutrial, dirigé par Pierre-André Gautier. Celui-ci tente de relancer l’entreprise en mettant en place de nouvelles stratégies commerciales.


    Tout d’abord, le visage du tirailleur est rajeuni et est maintenant celle d’un enfant appelé parfois « le petit-fils du tirailleur ». Banania veut montrer qu’elle se modernise tout en gardant l’image de base de la marque avec la chéchia rouge et bleue du tirailleur et la couleur jaune de la boîte symbolisant les bananes. Les arguments de vente sur la boîte sont finalement proches de ceux présentés durant la première moitié du XXème siècle mais adapté à l’époque actuelle. Par exemple, pour souligner ses mérites énergétiques, Banania utilisait « la force du tirailleur sénégalais » remplacée maintenant  par des expressions comme « le plein de vitalité », « recharger ses batteries » ou encore « le plein de tonus ». De même, l’argument de la bonne humeur qu’entraîne la consommation de Banania, présentée par le sourire du tirailleur est actuellement repris avec « tu commences la journée avec le sourire ».


    Banania se tourne également vers le développement durable, avec notamment un partenariat avec éco-emballage depuis 2007 pour promouvoir le tri des déchets et sensibiliser les enfants. L’année suivante l’entreprise c’est associée avec Max Havelaar et utilise désormais du cacao et du sucre de canne provenant du commerce équitable. Les boîtes sont composées de près de 95% de cartons recyclés. Enfin, derrière certaines boîtes, un petit personnage de couleur noire présente l’écologie aux enfants sous forme de bandes dessinées. Banania s’adapte donc à son temps et aux idéologies des nouveaux consommateurs.


     

Banania participe à la protection de l’environnement.


    D’autre part, Banania essaye de s’appuyer sur sa forte notoriété pour faire redémarrer ses ventes. En effet la marque, âgée de près de 100 ans, est ancrée dans le patrimoine français. La difficulté est de transformer cette « affection » en « consommation ». Pour ce faire, Banania mène depuis 2004 de nombreuses actions de proximité. L’entreprise était présente sur le tour de France en 2003 ou encore elle a organisé l’opération Banabol : un bol offert avec une boîte Banania achetée.



Banania tente de reconquérir le marché en participant au Tour de France.


    De plus, Banania diversifie ses types de poudres chocolatés avec, notamment, une version « mégapépites » pour les enfants, une version plus chocolatée, avec 32% de cacao, pour les adultes. Banania a même crée le « sachet verseur », un nouveau type d’emballage qui se ferme complètement avec un bouchon pour faciliter l’utilisation du produit par les plus jeunes. Les produits proposés sont variés et de plus en plus diversifiés. Par exemple, Banania a lancé la confection d’œufs, de cloches et de poules en chocolat pour Pâques 2009, et plus récemment, celle de glaces et même de crêpes Banania ! Pour Noël 2010, Banania a mis en vente le triporteur Banania. Il s’agit de la réplique en carton d’une boite échantillon crée en 1945, comprenant un tricycle rempli de papillote et surtout le fameux tirailleur.


    Enfin, Banania utilise les moyens modernes d’informations et notamment Internet. En 2009, le premier site officiel de Banania, http://www.banania.fr, est créé pour présenter Banania dans l’histoire et aussi ses actions plus récentes. Un autre site http://www.generation-durable.org/generation_durable.html, mis en ligne plus récemment avec la participation de l’entreprise initie les enfants à l’écologie de façon amusante. En 2010, Nutrial a choisi l’agence You To You (agence de communication interactive qui accompagne les marques dans leurs probléatiques Internet) comme partenaire pour gérer la stratégie de communication en ligne de Banania.


    Banania, tout en gardant les standards qui font sa notoriété, se modernise et innove afin de revenir « au goût du jour ».




Conclusion:


    Banania n’est pas seulement un simple produit, une simple entreprise, c’est une société qui a su voyager à travers le temps.  Après  un siècle d’existence,  Banania s’est constituée une histoire.  Celle-ci a commencé avec la colonisation au cours de laquelle l’enfant est le consommateur visé. L’entreprise a mis à profit l’expansion coloniale et constitué son image au travers du tirailleur sénégalais et  du slogan culte « Y’a bon ». Cette image exotique d’un personnage chaleureux a forgé  le mythe de Banania qui a conservé toute sa gloire de 1918 à 1970. Malgré sa destruction pendant la seconde guerre mondiale, la fin de la période coloniale et les critiques racistes qui ont suivi, l’entreprise à su s’adapter aux fils des années et conserver son identité.

    Comment se fait-il que Banania soit resté dans l’esprit des Français ? Banania a su créer un univers qui a réussi à toucher toutes les générations. Ce produit est resté dans l’esprit des français comme étant Un ami fidèle. Un ami pour tous. Un ami qui n’a jamais cessé de sourire. Un ami qui pendant les moments difficiles était là pour nous soutenir et pendant les années plus faciles, là pour nous épanouir. Un ami comme on rêve tous d’en avoir. Banania a été versé dans nos bols de lait, chaque matin, pendant un siècle et pour certains, il représente l’image d’une France prospère et souriante.

    Mais toutes ces indications sont elles nécessaire? Il nous suffit de vous dire « Y’a bon... » et  vous nous répondrez...!

 

Composition provisoire utilisée pendant la Seconde Guerre Mondiale.